Carla Aguirre Robalino a suivi mes cours à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, où elle fut, autant que je m'en souvienne, une élève assidue et studieuse. Il y a quelques années, je la croisai par hasard en sortant des éditions Gallimard, rue du Bac, où elle occupait à l'époque un beau studio, et elle me demanda si j'accepterais de visiter son atelier, ce que je fis comme toujours très volontiers.
Elle me montra une série très intéressante d'huiles sur toile et de terra-cotta émaillées qui m'arrêtèrent et, comme elle me demandait si j'accepterais d'écrire sur ce que je venais de voir, je lui répondis que je le ferais volontiers, mais que pour cela il me fallait quelques documents supplémentaires, qu'elle promit de m'adresser... Lire la suite
Carla Aguirre Robalino a suivi mes cours à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts, où elle fut, autant que je m'en souvienne, une élève assidue et studieuse. Il y a quelques années, je la croisai par hasard en sortant des éditions Gallimard, rue du Bac, où elle occupait à l'époque un beau studio, et elle me demanda si j'accepterais de visiter son atelier, ce que je fis comme toujours très volontiers.
Le temps passa sans plus de nouvelles de sa part, mais quelques mois plus tard elle me téléphona pour me signaler qu'elle continuait finalement à penser à cette préface, et qu'elle souhaitait que j'en sois l'auteur; je lui expliquais alors que pour cela il me fallait quelques documents supplémentaires.
Suite à diverses tractations, ces documents finir par me rejoindre dans ma campagne, où je viens de les recevoir. Les recevant je retrouvai tout net mon impression première... Le travail de Carla Robalino Aguirre s'imposait fortement et incontestablement méritait que je m'y arrête.
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Carla Aguirre Robalino est née à Quito (capitale de l'Équateur) en 1974 dans une famille d'intellectuels. Elle n'est pas la seule à venir en France après avoir traversé l'Atlantique. À la fin du XIXe siècle, Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, qui devait révolutionner la littérature française, arrive de Montevideo à Paris. Carla Aguirre Robalino suit une voie parallèle. Attirée par l'Europe, elle étudie d'abord au Lycée français de Quito, puis arrive à Paris à l'âge de 18 ans: elle effectue alors des études de biologie qu'elle arrête, deux ans plus tard, pour se consacrer aux beaux-arts.
Elle s'engage pleinement dans ce monde nouveau, l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris où, après plusieurs cours sur la civilisation grecque, j'enseigne l'esthétique de Cézanne, Matisse et de Picasso, tout en improvisant des cours sur l'actualité de l'époque: Giacometti, Pollock, Franz Kline, Motherwell, Jasper Johns, Robert Rauschenberg...
Carla Aguirre Robalino ne fut pas seulement une élève motivée et studieuse, elle fut aussi — ce qui, à l'heure actuelle, est extrêmement rare — une élève intelligemment ambitieuse. Et il n'est pas étonnant dans ces conditions qu'elle ait rencontré Yves Bonnefoy, qui l'encouragea...
En 1997, elle intègre donc l'École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, en entrant dans l'atelier de Giuseppe Penone; elle développe alors son travail de sculptrice, tout en s'initiant aux techniques de l'impression, notamment la gravure, et la fresque...
Passées certaines sculptures de terre cuite des années 2000, l'influence de Penone n'est pas ce qui se manifeste immédiatement dans ses œuvres, mais à mon avis, bien davantage la fréquentation des expositions et des musées. J'y retrouve d'abord, dans certaines peintures, autour de 2005 — Paysage urbain (160x120) et Brume (50x50), et encore Agua marina, Punta Campanella (71x71), acrylique sur bois de 2013) — une implicite référence aux œuvres que Matisse a réalisées au Maroc... Mais l'influence de Cézanne non plus n'est pas à négliger, notamment dans une huile sur toile comme Vesuvio (70x70) de 2009.
Carla Aguirre Robalino, en à peine 21 ans, a effectué un travail considérable : le dossier qu'elle m'adresse ne comporte pas moins de 56 photographies en couleurs représentant ses œuvres : sculptures, huiles sur toile, pastels, acryliques sur toile, acryliques et résines sur bois, terra-cotta émaillées, terres cuites (entre 2019 et 2020), toutes occupées par une magnifique luminosité.
Il faut préciser qu'à partir de 2009, ses séjours à Naples et plus régulièrement à Capri ont dû jouer un rôle décisif avec ce que Matisse nommait « la lumière du Sud ». Je retiens de cela que les voyages, qui particularisent la vie et la carrière de cette artiste, sont aussi et d'abord le signe d'un esprit sans préjugé et singulièrement libre, comme en témoignent les œuvres qu'elle a réalisées.
Il faut insister sur le fait que, le plus souvent, les matériaux qu'elle utilise se prêtent à la luminosité, qui distingue ses œuvres. Il faut dire qu'en ce qui concerne les peintures, le vernis y est pour beaucoup, les peintures sont le plus souvent si brillantes qu'elles ont tendance à se confondre avec les terra-cotta émaillées. Une acrylique « Sans titre » (100x100) de 2017, bien que plus grande, se rapproche visuellement et naturellement d'une terra-cotta émaillée « Sans titre » (50x50) de 2019. N'est-ce pas l'émail qui joue le rôle principal dans la beauté des terres cuites ?
Yves Bonnefoy ne s'est pas trompé en encourageant Carla Aguirre Robalino, et il n'est pas étonnant qu'elle ait été enthousiasmée et ait senti comme une nouvelle force d'inspiration après la rencontre et les réflexions de ce grand et savant critique, qui plus est grand poète et professeur au Collège de France.
Je ne saurais trop dire l'intérêt que j'ai trouvé en considérant, lors de ma première visite dans son atelier, les œuvres que Carla Aguirre Robalino me montrait... Et j'en garde, plusieurs mois après, un souvenir émerveillé qui m'engage aujourd'hui à écrire ce texte qui lui est sincèrement et avec admiration dédié.